Préserver sa voix
La voix est constamment sollicitée, chez l’adulte comme chez l’enfant, pour chanter comme pour parler. Il faut donc la préserver et l’aider à « tenir » sur le long terme.
Prévenir les pathologies de la voix est importante pour tout un chacun, et absolument vital pour ceux qui en ont un usage professionnel, les chanteurs, mais aussi les acteurs et les professeurs.
La prévention vocale par la décontraction, la relaxation et la posture
Que l’on parle ou que l’on chante, on le fait en mobilisant tout son corps.
La première des choses à obtenir, c’est la décontraction et le relâchement des muscles.
Un professeur d’instrument pour son élève ou un instrumentiste pour lui-même doit vérifier que le geste instrumental s’exécute dans la détente (on conçoit aisément qu’un pianiste ne doit pas avoir les bras crispés, les épaules contractées, sinon il va s’épuiser très rapidement). Il en va de même pour le chanteur ou pour l’orateur avec son corps.
Quelques exercices pratiques faisant intervenir l’imaginaire et les sensations sont plus efficaces que de longues explications théoriques.
Les massages sont utiles pour se décontracter et évacuer les crispations. On peut se frotter les mains, les poignets, les bras, les jambes et tout le corps, comme si on se lavait. On peut également se masser légèrement le visage : pommettes, ailes du nez, sourcils, front, tempes, cou.
On peut se masser les trapèzes (muscles du dos et de la nuque) à deux ou en automassage.
Il s’agit ensuite de s’assurer qu’on n’a pas de tensions au niveau du cou, de la gorge, des épaules.
La mobilité de la tête et le positionnement de la nuque
Faire des petits « oui » et des petits « non » avec la tête, dessiner des ronds au plafond avec un crayon imaginaire, fixé pointe en l’air sur sa tête, dans les deux sens.
Faire le même exercice avec un crayon imaginaire fixé sur le bout du nez et dessiner des ronds sur le mur en face de soi, puis même exercice avec ce même crayon imaginaire fixé au niveau des épaules, à l’horizontal : dessiner des petits « 8 » sur les murs latéraux.
Si la tête est un peu trop en avant, penser à rentrer le menton.
Pour mettre en action tous les muscles du visage et travailler l’articulation
S’exercer à faire le plus de grimaces possibles, sans l’aide des mains, et s’arrêter « en statue » sur certaines d’entre elles.
Faire semblant de mâcher un gros chewing-gum.
Tirer la langue le plus possible, imaginer que la pointe de la langue est un feutre de couleur et s’amuser à repeindre tout l’intérieur de sa bouche avec.
« Allumer le regard », comme si nos yeux étaient une lampe de poche que l’on pouvait éteindre ou allumer à volonté. Lorsqu’on chante ou que l’on prononce un discours, penser à l’allumer.
La posture globale du corps
Planter ses pieds dans le sol, étirer les bras vers le plafond le plus possible et les « lâcher » l’un après l’autre.
Imaginer qu’un fil tient notre tête au plafond.
Étirer ses bras au plafond et imaginer que nous sommes tenus comme une marionnette par un certain nombre de fils (à chaque doigt, aux poignets, aux coudes, aux épaules, dans le dos…). Imaginer ensuite que le marionnettiste coupe chaque fil successivement. Les parties du corps concernées tombent et se relâchent instantanément.
Debout, les pieds sont bien à plat, jambes écartées de la largeur du bassin, les genoux bien déverrouillés. On imagine qu’on est un arbre dont les racines sont profondes dans le sol. Le poids du corps doit reposer sur toute la voûte plantaire, tête et menton dans le prolongement du corps (pour cela, regarder l’horizon). Puis, sous l’effet d’un vent imaginaire, on peut se balancer légèrement de droite à gauche et d’avant en arrière en se concentrant sur ses appuis au sol. Enfin, on imagine que le vent se calme, on se tient bien droit, mais sans tensions.
Essayer de se grandir, de penser à avoir la tête légère et tenue par un fil.
Cette posture doit être la même, même si l’on est assis : le dos doit être droit, loin du dossier, les pieds à plat par terre. Une posture bien verticale mais sans tensions inutiles favorisera l’émission des sons aigus.
La prévention de la voix par un travail du souffle
La voix est un instrument à vent. Une bonne respiration est absolument fondamentale pour l’utilisation correcte de celui-ci. C’est en quelque sorte le carburant dont il a besoin qui permettra de ne pas abîmer ses cordes vocales en « forçant » et d’émettre un son « sain ».
Une bonne respiration requiert de la décontraction. C’est par des exercices réguliers qui favorisent la prise de conscience du juste mouvement respiratoire que le travail de l’instrument « voix » se fera le mieux.
Pour une prise de conscience d’une respiration décontractée et naturelle, on peut partir d’un travail couché sur le dos, la main sur le ventre. On observe ce qui se passe quand on inspire (l’abdomen se gonfle) et quand on expire (il se vide).
Une fois debout, il faut vérifier que l’on n’inspire pas en gonflant la poitrine et en montant les épaules. La respiration part des régions ventrale, dorsale et intercostale.
Pour cela, les exercices les plus simples sont souvent les plus efficaces :
- humer une fleur imaginaire ;
- imiter le son du vent (de la brise jusqu’à la tempête) ;
- souffler tout doucement sur une bougie ‒ imaginaire ou pas ‒, sans l’éteindre ;
- boire une boisson avec une paille imaginaire très fine, puis faire des bulles minuscules dans son verre avec cette même paille (imaginaire ou pas ! le travail du souffle avec une véritable paille dans la bouche est très efficace et utilisé par certains orthophonistes) ;
- gonfler doucement un ballon de baudruche (imaginaire ou réel) ;
- faire de la buée imaginaire sur une vitre ;
- tirer doucement un élastique imaginaire sur le son « sss » ;
- imiter le son des abeilles (« bzzz »), des cigales (« ks, ks, ks »), du serpent (« sss ») ;
- imiter le bruit d’une vieille moto, lèvres en vibration (« brrr »).
Pour stimuler le travail du diaphragme :
- faire la locomotive (« tch, tch, tch… ») ;
- imiter un rire : « hahaha », « héhéhé », « hihihi »...
Pour projeter la voix :
exécuter des « sirènes » vocales. Sur « JJJJJe », « VVVVVe », « MMMMMe », « ZZZZZe », ou uniquement sur des voyelles ; lancer un son qui monte ou qui descend, selon un grand glissando. C’est ainsi que l’on découvre que la voix peut aller bien plus loin dans les aigus que ce qu’on pensait. On la « lance », donc il y a un lâcher-prise. L’énergie vient vraiment de l’abdomen, et non de la poitrine et du cou.
Les sirènes ont le mérite de ne pas demander de travail de justesse en même temps que l’on travaille le souffle et la projection de la voix.
La prévention de la voix par le recours aux techniques Alexander et Feldenkrais
Le travail postural de celui qui utilise sa voix comme outil de travail (acteur, chanteur, mais aussi professeur) peut être considérablement aidé par un recours aux méthodes Alexander ou Feldenkrais.
La méthode Alexander est bien connue des artistes comme des sportifs. Elle permet de corriger les mauvaises postures liées à son activité, de soigner les troubles musculosquelettiques et de retrouver ainsi un bon équilibre physique et mental. En quelques séances individuelles ou en ateliers collectifs, la technique Alexander permet de soulager les douleurs liées aux mauvaises postures, notamment les lombalgies chroniques, souvent génératrices de difficultés vocales.
La méthode Feldenkrais est une autre méthode, peut-être moins ciblée vers les artistes et sportifs, mais qui, en s’appuyant sur le mouvement, permet de prendre conscience de ses habitudes corporelles et de détendre tout ce qui est figé. Une pratique régulière assouplit les lombaires et donne plus de mobilité au bassin.
La prévention de la voix par une bonne hygiène de vie
- Développer une bonne hygiène de vie avec une alimentation variée, mais pas trop épicée, une bonne hydratation (boire régulièrement de l’eau, des tisanes) et éviter les boissons gazeuses (qui favorisent l’acidité gastrique) et l’alcool (qui irrite les cordes vocales).
- Dormir suffisamment. Plus on est fatigué, plus on est stressé, et moins la voix pourra se déployer correctement.
- Éviter l’air sec et les pièces surchauffées. L’hiver, le froid s’installe, le taux d’humidité chute et l’air s’assèche. L’emploie d’un humidificateur d’air peut être très efficace afin d’éviter un assèchement des voix respiratoires et les maladies qui y sont liées.
- Éviter les ambiances climatisées ainsi que les écarts de températures brutaux.
- Savoir s’économiser et faire des cures de silence pour ne pas aggraver les symptômes de fatigue vocale. Ne pas pousser la voix. Chuchoter. Le miel et le thym ont également excellente réputation pour soulager la voix cassée ou disparue.
- Proscrire le tabac.
- Enfin, consulter régulièrement un ORL (spécialiste des troubles du nez, de la gorge et des oreilles).
Pour ceux et celles pour qui la voix est un réel outil de travail (chanteurs, professeurs, acteurs), il est recommandé de consulter de temps en temps un phoniatre, spécialiste des troubles de la voix, du langage et de la parole, qui pourra dépister une éventuelle pathologie et traiter le trouble par prescription médicamenteuse, orthophonique et/ou chirurgicale.
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